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CERMN : au cœur de la bibliothèque des molécules

Publié le 8 novembre 2023

[Dans les coulisses d’EPOPEA – épisode #6]

Dans l’univers du médicament, le Centre d’Études et de Recherche sur le Médicament de Normandie (CERMN), installé sur le Science Park EPOPEA de Caen, est un acteur qui compte. Grâce à sa chimiothèque, il possède une collection de 20 000 molécules, indispensables pour la recherche et les futurs traitements. Une référence nationale !

C’est une banque de données d’un genre particulier. Pour des livres, on parlerait de bibliothèque. Dans l’univers du médicament, le terme utilisé est celui de chimiothèque, une impressionnante collection de molécules. Pas de nouveaux traitements sans elles. Or, à Caen, le Centre d’Études et de Recherche sur le Médicament de Normandie – le CERMN, une Unité de recherche de l’Université de Caen Normandie – abrite la première chimiothèque académique de France avec près de… 20 000 molécules ! « Elle est aussi le tout premier contributeur de la chimiothèque nationale installée à Toulouse, la réunion de toutes les molécules confiées par l’ensemble des laboratoires académiques », présente le professeur Christophe Rochais, directeur du CERMN.

Au service du Drug Design

« C’est en fait une collection qui sert à valoriser le patrimoine de l’Unité en termes de molécules. Elle sert à pouvoir initier de nouveaux programmes de recherche », ajoute le responsable. C’est ce qui est appelé le Drug design, la spécialité du Centre, c’est-à-dire des programmes de recherche dans le domaine de la conception du médicament. Ainsi, le traitement de demain, constitué forcément de molécules, aura peut-être, dans son acte de naissance, l’adresse du CERMN de Caen, installé sur le site d’EPOPEA depuis 2009, à proximité du CHU Caen Normandie. Pour cela, les chercheurs, à l’origine de cette future découverte, auront fait appel à cette grande bibliothèque pas comme les autres.

A la manœuvre, entre piluliers, plaques ou format électronique, Peggy Suzanne est la chimiothécaire. Elle fait le lien entre les chercheurs. « Nous mettons à la disposition de biologistes, à la recherche de nouvelles molécules actives  vias-à-vis de leur cible, des composés synthétisés par les chimistes du laboratoire. La finalité est de trouver de nouveaux candidats médicaments », résume l’ingénieur d’études. L’importance du nombre n’est pas neutre. La chimiothèque de Caen permet en effet de répondre à une dimension statistique de la découverte de nouveaux principes actifs. Car, pour qu’il y ait un jour une molécule sur le marché, il faut que les chercheurs se soient intéressés à… 10 000 d’entre-elles. Donc, quand on en possède 20 000…

Des « sleeping beauties »

Concrètement, le laboratoire synthétise une molécule dans le cadre d’un programme de recherche qui est évalué biologiquement. Elle vit une première vie avec succès ou sans. Au bout d’un certain temps, elle termine son parcours, toujours avec succès ou sans. La chimiothèque la recueille pour lui donner la chance d’avoir une seconde vie.

« Elles sont appelées nos « sleeping beauties » parce qu’elles peuvent être réveillées un jour. Rien n’empêche de penser qu’une molécule synthétisée il y a quinze ans pour être un potentiel anti-sida ne pourrait pas être, quinze ans plus tard, un potentiel anti-alzheimer, actif vis-à-vis d’une cible qu’on ne connaissait même pas voilà quinze ans. Telle était l’idée des précurseurs et des pionniers de cette chimiothèque », poursuit Patrick Dallemagne, professeur des universités et membre du CERMN.

Une riche mine aux trésors

La chimiothèque est donc utilisée à double titre : en interne pour les programmes de recherche de l’Unité et surtout par des collaborateurs extérieurs qui demandent l’autorisation de pouvoir, dit-on, la « fouiller ». Et ainsi trouver un nouveau point de départ pour des programmes de recherche. En cette fin d’année 2023, une vingtaine de projets sont actuellement conduits en France et à l’étranger.

« On aime bien parler de notre mine aux trésors que l’on peut fouiller pour y trouver, peut-être pas d’emblée un trésor mais un point de départ pour, ensuite, construire de nouveaux programmes de recherche », précise Christophe Rochais. L’Institut Pasteur, l’OMS (Organisation mondiale pour la santé) ou des laboratoires étrangers viennent y chercher de futures pépites. Financièrement, la mine aux trésors pèse « son poids », estimé à près de 20 millions d’euros, soit 1 000 euros la molécule.

A sa naissance, en 1974, le CERMN, au sein de ce qui était alors la faculté de pharmacie, développait uniquement des activités de synthèse chimique de molécules à activité biologique. Il a ensuite élargi ses domaines scientifiques et renforcé ses équipes (désormais 50 personnels à temps plein, dont 30 permanents, et 1,5 million d’euros de bilan par an, hors salaires des permanents), dépose entre 2 et 3 brevets par an et ses publications sont nombreuses.

Outre son activité historique de synthèse, le Centre développe une activité de préparation de molécules pour l’imagerie et le diagnostic, une activité autour de la pharmacie galénique, ou comment on utilise et délivre un principe actif dans l’organisme, et une activité de chémoinformatique afin de mieux comprendre les cibles de nos médicaments.

D’Alzheimer aux cancers

Si ses principaux axes de recherche sont les maladies neurodégénératives (Alzheimer notamment), l’oncologie (le cancer de l’ovaire notamment) ou l’infectiologie (par exemple antiviraux équins, mais aussi agents contre le SARS-Cov2), le CERMN ne s’interdit rien. « La richesse et la diversité de la chimiothèque ouvrent justement le champ des possibles », résument Christophe Rochais et Patrick Dallemagne. Et tous les ans, « la mine aux trésors » s’agrandit avec l’entrée de 250 nouvelles molécules. L’an prochain, le CERMN fêtera ses 50 ans d’existence. Avis aux jeunes chercheurs que le laboratoire est prêt à accueillir au sein de ses équipes !

 

La carte d'identité

Fondé en 1974 par Max Robba qu’il a dirigé jusqu’en 1998, le Centre d’Études et de Recherche sur le Médicament de Normandie · CERMN · est une Unité de Recherche de l’Université de Caen Normandie. Fort de 50 salariés, il développe des programmes de recherche dans le domaine de la conception du médicament (Drug design). Réputé pour abriter une chimiothèque de 20.000 molécules, ses axes de recherche actuellement développés dans l’unité sont les neurosciences, la cancérologie et l’infectiologie.

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